« La lecture nous donne un endroit où aller lorsque nous devons rester où nous sommes » – Mason Cooley

mardi 19 juillet 2016

Rose-thé et gris-souris de Marie-Catherine Daniel

Rose-thé et gris-souris Marie-Catherine Daniel

Quatre fleurs : J'ai bien aimé



Titre : Rose-thé et Gris-souris
Auteur : Marie-Catherine Daniel
Genre : Romance
Public visé : Adolescents, Adultes
Année de parution : 2014
Nombre de pages : 104 pages (Éditions Milady)

Quatrième de Couverture :  Elle, c’est Gertrude. Une comptable.
Elle débarque à peine à la Réunion, et elle traîne derrière elle un bagage un peu trop lourd à porter. Elle aimerait se fondre dans le paysage. Elle a décidé que le rose-thé et le gris-souris étaient les bonnes couleurs pour se faire accepter dans le supermarché où elle travaille.
Un supermarché dont le patron, François, est autant du genre à exiger des heures sup le samedi matin… qu’à offrir à une comptable Le Grand Livre d’Or de la Poésie Réunionnaise.

Lui, c’est Dégage. Un chien errant.
Il vient de perdre toute sa famille. Mais il n’est pas désespéré : il va fonder un nouveau clan ! Il a justement repéré une humaine fort sympathique, qui ne « l’appelle » pas quand il se met à la suivre.

Gertrude a peur des chiens, elle n’apprécie pas du tout qu’un clébard squelettique et galeux s’attache à chacun de ses pas. Pourtant, c’est grâce à lui qu’elle apprendra peu à peu à redonner une chance aux autres et à la vie…

Ce que j'en ai pensé  : Trois mots pour résumer ce court roman : frais, drôle et dépaysant.

Dans Rose-thé et Gris-souris, on alterne les points de vue de Gertrude, une comptable un brin cynique et désabusée, et de Dégage, un chiot errant en quête d'une famille. Gertrude apporte le côté drôle du roman, avec ses réflexions et ses pensées toujours très lucides, pragmatiques et mordantes ; alors que Dégage, de son côté, apporte de la fraîcheur et de la nouveauté. Impossible de ne pas craquer pour lui, pour ses pensées naïves et candides de chiot plein de bonne volonté qui ne rêve que d'une chose : se faire adopter. Le côté dépaysant nous vient du décor, l'île de la Réunion, et du vocabulaire très local employé par l'auteure.

Le ton oral du roman sert bien l'histoire et son aspect humoristique. Par contre, j'ai trouvé que l'ensemble était un poil trop court - certains passages auraient sans doute mériter qu'on s'y attarde plus longuement. Enfin, la romance contemporaine, ce n'est pas tout à fait ma tasse de thé à la base ; mais ça n'empêche que j'ai quand même passé un bon moment en compagnie de Gertrude et Dégage !      
         
Mon avis en résumé  : Fraîche, drôle et dépaysante, cette comédie romantique m'a fait passer un bon moment. J'ai complètement craqué pour l'adorable Dégage !

lundi 4 juillet 2016

Défi écriture - Faites vos jeux !


Plusieurs fois par an, l'équipe d'animation du forum CoCyclics organise des défis d'écriture pour les membres qui ont un projet en cours de rédaction (et présenté sur le forum). La consigne est simple : respecter le thème du défi et limiter sa participation à 5.000 signes. Sur le blog, je poste la version longue de ce défi.  

Ce que j'apprécie dans ces défis d'écriture, c'est qu'ils nous permettent de sortir de nos personnages du cadre de notre roman, de leur inventer des aventures et de nous plonger dans des réalités alternatives qui repoussent les frontières de notre projet. 

L'écriture sous contrainte a tendance à stimuler mon imagination ; et je dois dire qu'avec ce dernier défi, je me suis beaucoup amusée. Vraiment beaucoup. Et cela faisait longtemps que je n'avais pas écrit avec autant de légèreté. Le ton du défi vous paraîtra peut-être différent de ce que j'écris d'habitude, mais je ne sais pas trop. Je ne me rends pas bien compte.   

« En cet été qui s'annonce, accordons donc une pause à nos héros surmenés, las de sauver (ou de chercher à détruire) le Monde/l'Humanité/l'Univers. Pour ce nouveau défi, nous vous proposons comme thème : les jeux. Aussi bien dans leur dimension ludique (...) que dans leur dimension sportive. Dites nous tout sur les us et coutumes ludiques de vos mondes. » (Défi proposé par l'équipe des capes violettes de Cocyclics)



Les deux Amazones bondirent du sol à quelques fractions de seconde d’intervalle. Elles s’élancèrent l’une vers l’autre avec une hargne et une énergie décuplées par les acclamations enfiévrées de la foule. Au dernier moment, la plus massive pivota d'un quart de tour et assena un puissant coup de bouclier à son adversaire. La deuxième combattante se retrouva propulsée au sol et les vivats enflammés des spectateurs redoublèrent d'intensité.
— Vous me devez dix pièces d'argent, Mère.
Depuis l'estrade royale, Idril exultait sans retenue du triomphe de sa favorite.
— Le combat n'est pas encore terminé, jeune fille.
La reine désigna l'arène d'un signe du menton, les lèvres ourlées d'un petit sourire moqueur. Idril fit volte-face et découvrit que la guerrière s'était relevée. De contrariété, elle frappa du poing la rambarde en chêne et mêla sa voix aux clameurs de la foule. Lentement, la favorite fit un pas de côté, puis un autre et encore un autre. Sans la lâcher du regard, elle tourna autour de son adversaire comme un fauve prêt à bondir sur sa proie. En guise de provocation, elle fit rouler ses omoplates et tournoyer son épée. Son ennemie y répondit en cognant par trois fois son arme contre son bouclier, déchaînant une nouvelle salve d'ovations parmi les spectateurs. La favorite poussa un cri rageur et chargea avec toute la férocité et la brutalité dont était capable une Amazone. L'acier rencontra l'acier. Et tandis qu'elle s'apprêtait à se servir de son bouclier comme précédemment, son adversaire profita de l'ouverture pour lui lancer un genou dans l'estomac. L'assemblée retint son souffle. La seconde d'après, la guerrière se servait du pommeau de son épée pour lui abattre son poing dans la figure. La manœuvre déséquilibra suffisamment la favorite pour que son adversaire la mette à terre d'un deuxième coup de pied dans l'abdomen. La donnée perdante se positionna au-dessus de la favorite et entailla sa joue d'une légère estafilade. 
— La victoire au premier sang ! scanda la voix des prêtresses.
Les applaudissements et les acclamations de la foule célébrèrent le triomphe de la combattante. La reine se leva de son trône et se dirigea vers l'extrémité de l'estrade pour y accueillir la guerrière victorieuse. La combattante posa un genou à terre et déposa sa lame aux pieds de la souveraine.
— Une épée pour votre vie, ma Reine.
La souveraine acquiesça d'un signe de tête, puis invita la combattante à reprendre son arme et à se relever.
— Jurez-vous de protéger les Plaines et de défendre votre peuple, ainsi que votre reine ? demanda une première prêtresse.
— Jurez-vous de tuer les ennemis du royaume et de sacrifier votre vie au respect de vos devoirs ? poursuivit la seconde.
— Jusqu'à ce que Freya me rappelle à ses côtés, j'honorerai chacun de mes serments.
Ardentia dénoua alors un ruban rouge lacé autour de son poignet. Elle le plaça à plat entre ses deux mains pour révéler l'emblème amazone cousu de fil d'or — une tête de cheval bardée d'acier ; puis l'enroula autour de l'avant-bras de la guerrière.
— Sous le regard de notre Déesse, je vous proclame Championne des Plaines.
Les deux prêtresses apportèrent ensuite une épée et un bouclier, puis les remirent à la combattante afin qu'elle s'acquitte de la promesse qu'elle venait de formuler. 
Le cérémonial terminé, Ardentia se tourna vers sa fille, croisa les bras et lui adressa un sourire triomphant.
— Dix pièces d'argent, c'est bien cela ?
Idril grommela de frustration et chercha dans sa bourse en cuir le montant dû. Tout sourire, Ardentia reporta son attention vers son hôte privilégié et le questionna :
— Qu'en as-tu pensé, Morzan ?
— C'était un beau combat, Majesté, répondit l'adolescent avec courtoisie.
Je présume, songea-t-il alors que son regard se portait inconsciemment sur le visage de la princesse amazone. L'arcade fraîchement ouverte, un oeil cerclé de noir et la lèvre supérieure enflée... Morzan frissonna en ressassant les images du combat auquel sa meilleure amie avait participé, deux jours plus tôt.
— Je suis contente que tu aies apprécié le spectacle, déclara Ardentia avec un sourire malicieux. Elle n'était toutefois pas dupe quant à l'enthousiasme de son jeune invité.
» Quel dommage que ton oncle n'ait pas pu assister à la réouverture des Jeux. 
— Il regrettait sincèrement de ne pouvoir être présent pour la cérémonie inaugurale, mais il m'a dit faire son possible pour assister aux derniers jours de compétition.
— Sa compagnie me serait agréable, admit la reine. C'est un excellent parieur.
— Vraiment ? interrompit Idril, après avoir placé de mauvaise grâce les dix pièces dans la main de sa mère. C'est pas de ton oncle que tu tiens ça !
— Ricane autant que tu veux, mais ce n'est pas moi qui viens de perdre la moitié de ma bourse.
— Il marque un point, arbitra Ardentia d'une voix espiègle.
— Pourquoi êtes-vous toujours de son côté, Mère ? objecta Idril.
— Tu me poses sérieusement la question ?
— Non, c'était purement rhétorique.
— Je savais bien qu'il y avait une once d'intelligence cachée dans cette caboche.
— Bien cachée alors, ironisa Morzan.
— Très drôle. Profitez tant qu'Edin...
— Sa Majesté Edin, corrigea Ardentia.
— ...tant que Sa Majsté Edin n'est pas là ! Il me soutiendrait, lui.
— Je pense plutôt qu'il serait de notre avis, estima Ardentia.
La jeune fille lui décocha un regard faussement assassin. Puis, elle se tourna vers son ami, agacée qu'il se joigne aux mauvaises plaisanteries de sa mère.
— Bon ! Morzan, on y va ou on monte un bivouac pour la nuit ?
Le sourire jusqu'aux oreilles, le jeune homme acquiesça à la requête de son amie et s'inclina avec déférence devant la reine pour prendre congé. Ardentia lui rendit ses politesses.
— Je compte sur toi, Morzan. Ne te laisse pas embarquer une nouvelle fois dans les bêtises idiotes de ma fille. S'il y a bien une chose que j'ai apprise durant toutes ces années : c'est que les bonnes idées d'Idril se font souvent à tes dépens, mon garçon.
— N'importe quoi, objecta la jeune fille, scandalisée. 
— Tu ferais mieux de prendre exemple sur ton ami, sermonna la reine. Sois un peu sérieuse et ne te fais pas remarquer. Pas comme la dernière fois, compris ?    
— Quels rabat-joie vous faites, tous les deux. Oh ! C'est la fête ou on m'aurait menti ? Allez Morzan ! s'exclama-t-elle en l'attrapant par le bras. On y va !
Les deux adolescents quittèrent l'estrade et lorsqu'ils furent hors de portée de la souveraine, Idril se hissa à la hauteur de son meilleur ami pour lui chuchoter à l'oreille :
— Je vais te montrer comment les Amazones s'amusent vraiment.  
— Tu es incorrigible, la réprimanda-t-il d'une voix amusée malgré tout. T'es sûre que tu ne vas pas encore nous attirer des ennuis ?
— Tu me connais, lui rétorqua-t-elle avec un clin d'oeil complice.
— Un peu trop pour mon bien...
Sa camarade lui adressa un sourire irrésistible, auquel il ne put que succomber. Il sentit la main de l'Amazone se glisser jusqu'à la sienne et leurs doigts s'emmêler. Paume contre paume, Morzan serra sa main d'une légère pression qu'elle lui rendit. Pour rien au monde, il n'aurait souhaité être ailleurs. Son visage redevint soucieux lorsqu'il lui demanda :
— Est-ce que ça te fait encore mal ?
— De quoi ? Oh, mon visage ! comprit-elle d'elle même en captant son regard. Mais non, ne t'en fais pas. C'est rien du tout ! J'en ai connu des bien pires à l'entraînement ! Allons ! Ne fais pas cette tête ! Ce ne sont que des jeux !
— Des jeux qui font à chaque édition une vingtaine de morts, blessés ou estropiés !
Morzan vit son amie froncer les sourcils, mécontente.
— Personne ne t'oblige à assister aux compétitions ! Si tu n'aimes pas les Jeux Amazones, ce n'est pas une raison pour gâcher mon plaisir !     
D'instinct, Morzan enroula son bras autour de la taille d'Idril et la ramena tout contre lui. Il ne supportait pas de la sentir s'éloigner lorsqu'elle était contrariée. Il se pencha vers elle pour lui murmurer au creux de l'oreille :
— Tu ne peux pas m'en vouloir ! J'ai eu peur pour toi.
— Cesse de toujours t'inquiéter. Je sais ce que je fais.
Le jeune homme raffermit son étreinte autour de sa taille.
— Je ne cesserai jamais d'avoir peur pour toi dans ce genre de moment.
Morzan plongea son regard dans le sien et se perdit dans l'émeraude de ses iris. La mine boudeuse de l'Amazone disparut au profit d'un sourire mutin.
— Que répondre à cela ? s'interrogea-t-elle à haute voix.
Morzan comprit qu'elle était plus troublée par ses élans protecteurs qu'elle ne voulait bien le laisser paraître. Tout à coup, sa hardiesse lui sauta aux yeux et le décontenança à son tour. Des étoiles dorées piquetèrent son regard et révélèrent l'intensité de ses émotions, quand tout autre qu'un Ombre aurait senti ses pommettes se colorer de vermeil. Il détourna le regard et se mordit la lèvre inférieure.
— Pourquoi ne participerais-tu pas aux courses de demain ? enchaîna Idril avec enthousiasme, comme si de rien n'était. Elles sont mixtes !
— Je ne suis pas aussi bon cavalier que tu ne le penses.
— Tu n'es pas aussi mauvais cavalier que tu ne le penses, rectifia-t-elle.
— Je n'ai pas eu un mauvais professeur...
— La meilleure !
— Vantarde !
Ils pouffèrent de rire, complices, et continuèrent de progresser au milieu de la foule de promeneurs, main dans la main.
— Tu devrais participer, insista Idril.  Tu verrais ce que sont réellement les Jeux. Et ce qu'on ressent de l'autre côté de la lice.
— Tu participes, toi ?
— À ton avis ?
Morzan opina d'un hochement de tête et lui adressa un sourire entendu.
— Je suis inscrite dans la catégorie la plus élevée, précisa-t-elle avec fierté. Les meilleures cavalières s'y affronteront ! Je vais donner le meilleur de moi-même.
— Tu donnes toujours le meilleur de toi-même.
— Demain sera différent ! Pour une fois, ma taille sera un avantage.
Morzan l'observa du coin de l’œil, ce qu'elle ne manqua pas de constater. Elle confirma ses propos d'un vigoureux signe de tête et d'un sourire carnassier :
— Je vais toutes les massacrer.   
Le jeune homme éclata d'un rire franc et sonore. La mine suspicieuse de son amie ne fit que renforcer son hilarité.
— Qu'est-ce qui te fait rire ?
— Tu pourrais bien mesurer deux têtes supplémentaires, tu serais toujours aussi convaincue de remporter la victoire !
L'Amazone ouvrit la bouche pour protester, mais ne sembla trouver aucun argument pour contrer les dires de Morzan.
— La confiance en soi, c'est la clé ! confirma-t-elle d'un ton docte, en levant le doigt.
Morzan ne put réprimer le fou rire que lui inspira son amie et celle-ci joignit bientôt son rire carillonnant au sien. 
Les deux camarades s'esclaffèrent tout le long du chemin, jusqu'à ce que Morzan sentit Idril ralentir l'allure. Elle l'obligea à s'arrêter au milieu de la route, puis après avoir regardé de chaque côté, elle traversa et les conduisit à l'écart de la foule.  
— On est arrivé !
Morzan leva les yeux et observa la pancarte qui se balançait au-dessus de l'entrée du bâtiment : La jument écarlate.
— On ne va pas passer la soirée dans une taverne ?
— Précisément.
Idril poussa la lourde porte de l'établissement et pressa Morzan de la suivre. Les sons étouffés qu'ils entendaient de l'extérieur se muèrent en rires tonitruants, en conversations assourdissantes, en chants et musiques tapageuses. Le jeune homme rechigna, mais finit par emboîter le pas de son amie. Une vague de chaleur moite, empuantie par des relents d'alcool et de sueur, l'atteignit en pleine figure lorsqu'il passa l'embrasure de la porte. Ses narines se froncèrent de dégoût. Il ne comprenait vraiment pas comment Idril pouvait apprécier ce genre d'endroit. La jument écarlate avait beau paraître mieux entretenue que les autres établissements, la clientèle moins avinée et les lieux moins défraîchis, elle restait aux yeux du prince un endroit sale, écœurant et terriblement bruyant.
De nombreuses tables, rondes ou carrées, longues ou rapprochées, meublaient la salle. Celle-ci était plus éclairée par les torches suspendues aux poutres que par les petites fenêtres qui ornaient les murs. Plusieurs personnes restées debout encerclaient des clientes assises, applaudissaient et riaient autour d'elles, et se disputaient même parfois.
— La Jument écarlate est un établissement de jeux, expliqua Idril. La clientèle est triée sur le volet. On devrait rencontrer pas mal d'officiers gradés.
Après un détour par le comptoir où la tenancière leur servit deux cornes de vin chaud épicé à la cannelle, Idril les conduisit à une tablée située au fond de la salle. Elle semblait connaître parfaitement les lieux.  
— Deux possibilités. Soit tu joues, soit tu paries. En général, on commence par parier. Ici, les compétiteurs jaugent leur force au bras de fer. Les parieurs misent sur leur favorite. Là-bas, tu as des parties de dés et de cartes. À gauche, tu as les jeux de table et les jeux de réflexion.  La grande table à côté, c'est pour les jeux de boisson.
Idril marqua une pause et Morzan l'observa d'un oeil circonspect. Il n'aimait pas le sourire qui se déployait sur son visage. Elle reprit ses explications, mine de rien.
— Enfin, de l'autre côté, tu as les jeux d'adresse. 
— Alors, si je comprends bien... vous venez ici pour perdre de l'argent ?
— Pour s'amuser ! Tu le fais exprès ! grommela-t-elle. Et puis, tu peux parier ce que tu veux. Des consommations, des objets...
— Je peux parier qu'on retourne au palais ?
Morzan se fit jauger d'un œil critique par sa camarade.
— Très bien. Mais si tu perds, on reste toute la nuit ! Et tu paieras mes boissons !
— Marché conclu, dit-il en lui serrant la main.
Ils reportèrent leur attention sur les deux Amazones qui se défiaient au bras de fer, sous les encouragements de la salle. Le combat paraissait serré. Les visages des participantes, rubiconds, ruisselaient de sueur. Morzan entendit Idril lui chuchoter à l'oreille : 
— Si j'étais toi, je miserai sur la balafrée.
— Je mise sur la balafrée.
La princesse éclata de rire.
— Ahaha. C'est sur l'autre que j'aurais misé. Aucune chance pour que la balafrée...
Idril marqua une pause, retint sa respiration et... laissa exploser son indignation.
— Mais c'est pas possible ! Comment elle a fait ça ?!
Morzan l'observa se tourner vers lui, les traits crispés.
— On recommence ! ordonna-t-elle
— Pas question, déclara Morzan. J'ai gagné à la loyale.
— T'as triché, j'en suis sûre !
— Ne sois pas mauvaise perdante !
— La chance du débutant... grommela-t-elle.
Morzan se contenta d'un resplendissant sourire de satisfaction. Il n'allait pas la contredire et lui révéler qu'elle était probablement la plus mauvaise parieuse qu'il ait jamais rencontrée. De toute sa vie.
— On termine au moins nos boissons !
— C'est d'accord.
Alors que son amie courait de table en table pour jouir des tous les divertissements possibles avant leur départ, Morzan prit son temps — et bien plus qu'il n'en fallait — pour siroter sa corne de vin chaud.