« La lecture nous donne un endroit où aller lorsque nous devons rester où nous sommes » – Mason Cooley

vendredi 26 juin 2015

Prophétie Nordique - Prologue (texte intégral)


Freya et les pommes d'éternelle jeunesse, destinées aux dieux
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Prologue

Au commencement des temps, lorsque le monde était encore jeune, vierge de toute vie, les Dieux Immortels décidèrent de le façonner selon leur volonté. Lassés de contempler l’immensité abyssale depuis leur haute forteresse céleste sans faire valoir leur intelligence créatrice, ils entreprirent de travailler à la confection du monde. Une fois leur tâche accomplie, les trois Souverains régnant sur le royaume astral conclurent un accord et convinrent de se partager les territoires d’en bas.

L’aîné, Hoenir, choisit d’occuper les fécondes terres du centre. Le cadet, Lodurr, préféra les chaudes landes méridionales. Quant au dernier né, Odinn, il se contenta des austères contrées septentrionales. Avec le soutien de leurs panthéons respectifs, les trois Souverains s’engagèrent à construire l’humanité pour peupler ce monde qu’ils avaient longtemps délaissé. Ils se séparèrent finalement pour œuvrer chacun de leur côté. 

Depuis le royaume d’Asgard d’où il pouvait observer l’étendue de son legs, Odinn baptisa le continent nordique qu’il s’était vu attribuer Gwendir. Il prit ensuite la décision de créer une multitude de peuplades pour fouler les terres de son héritage. Il convoqua alors les dieux de son cortège et leur soumit son idée d’une pluralité d’espèces. Sept d’entre eux approuvèrent et Odinn confia à chacun la lourde tâche de confectionner un peuple. Pendant trois jours et trois nuits, les Sept s’isolèrent du reste de la Cour Céleste pour réfléchir à la requête du Dieu Souverain. Au matin du quatrième jour, tous se mirent au travail. Et au crépuscule du septième jour, chacun fut en mesure de paraître devant Odinn pour lui proposer l’œuvre à laquelle il s’était consacré durant tout ce temps.

Freya, déesse des sacrements et protectrice des guerriers, se présenta la première devant son géniteur et monarque. D’apparence jeune et de stature imposante, la déesse était parée de son armure rouge comme le sang et dorée comme le soleil. La fille préférée d’Odinn observa tour à tour les autres dieux avant de braquer vers son père ses prunelles magnétiques. Ces dernières possédaient les nuances des cieux qu’elle sillonnait sur sa monture de nuées lorsqu’elle s’invitait sur un champ de bataille. Son regard conquérant s’irisait du gris hivernal au bleu profond de la nuit, en passant par le bleu azuré d’un ciel d’été.

La guerrière céleste posa un genou sur le sol marbré de la demeure sacrée et s’inclina devant le trône sur lequel était assis le Fondateur Divin. Elle s’exprima en ces termes solennels :

« Odinn, mon Père et Souverain. Moi, Freya, ta fille la plus dévouée, j’honore ta requête et te propose le peuple des Amazones pour fouler les contrées que tu as façonnées avec tes Frères, et que tu offres généreusement à l’Humanité. Regarde mes filles vaillantes ! Femmes guerrières maîtrisant les épées, les armes d’hast et de jet, domptant les plus farouches équidés et honorant toujours leurs serments. Comme moi, elles seront loyales et courageuses. Jamais elles ne s’opposeront aux lois du Ciel, ni ne nous renieront. Odinn, accepte mon peuple et ma reconnaissance éternelle. »  

Le Tout Puissant hocha la tête pour accepter le peuple de Freya, puis lui fit signe de s’écarter pour laisser passer les autres dieux. Snotra, déesse de la connaissance, se présenta la seconde devant le Père Souverain et lui proposa le peuple érudit et discret des Ombres. À sa suite, Baldr, dieu de la lumière et de la beauté, proposa le peuple des Alfes ; Mani, dieu de la nuit et de la lune, le peuple des Druides ; Jörd, déesse de la terre et de la végétation, le peuple des Nymphes. Enfin, Thor, le dieu du tonnerre et de la force, présenta le peuple des Orthodoxes, dont la descendance naîtrait de la foudre et des rochers. Odinn acquiesça à chacune des propositions de ses enfants, satisfait du travail qu’ils avaient accompli. 

Lorsque ce fut au tour du rusé Loki, dieu du feu et des morts, la cérémonie fut interrompue par l’apparition des Nornes, déesses du Destin et des Prophéties. Les trois femmes, dissimulées par de larges suaires sombres, pointèrent leurs index en direction des dieux rassemblés, avant de prononcer de leurs voix caverneuses, sorties d’outre-tombe :

 « Vos Progénitures, Reflets de vos Âmes,
Finiront toujours par en venir aux Lames.
Pour faire taire le Traitre Parjure,
Nécessaire sera la Poigne Dure. »

Et elles se volatilisèrent, laissant les dieux soucieux et pantois. Le Septième Dieu s’approcha alors d’Odinn pour lui imposer le peuple des Hommes. Ses descendants seraient à son image, capables de se fondre dans la masse et de manier le mensonge et la tromperie mieux que n’importe quel autre peuple. Comme leur géniteur, ils n’auraient aucun scrupule à assurer leur propre bien-être au détriment de celui d’autrui. Odinn hocha lentement la tête de gauche à droite, la figure grave mais résignée. Le ricanement de Loki résonna dans tout le Palais d’Asgard avant qu’il ne quitte l’assemblée dans une gerbe d’étincelles. Ainsi était joué le destin du Gwendir.

* * * *

La méfiance s’installa progressivement au sein du panthéon nordique. Sous le regard impuissant du Souverain Divin, chacun se détourna de ses frères pour assurer la prospérité de sa descendance. Odinn ne put empêcher la division de sa compagnie et il s’écarta des affaires du Monde, trop accablé par les querelles de ses enfants.

Ces derniers, pendant des années, veillèrent sur leurs progénitures respectives depuis Asgard. Freya fut la première à descendre sur le Gwendir pour offrir aux Amazones un cadeau inestimable, qui assurerait leur protection au fils des âges : Glyrin, le Glaive protecteur, dont la lame était gravée d’antiques runes bleutées. Forgée dans un métal inconnu des mortels, l’arme possédait des vertus magiques exceptionnelles que la déesse refusait de décrire, préférant laisser ses filles découvrir par elles-mêmes les pouvoirs de son don. Jaloux de ce cadeau céleste, les autres dieux ne tardèrent pas à imiter leur sœur. Chacun offrit à son tour un présent à son peuple, signe de leur attachement et de leur bienveillance envers ceux qu’ils avaient conçus, mais aussi de leur défiance à l’égard de leurs pairs.
C’est ainsi que leur jalousie se transmit à leurs enfants et que la volonté de posséder les autres joyaux divins envenima l’esprit des grands rois. Le Gwendir fut secoué par d’innombrables guerres, violentes, sanglantes et désastreuses. Lorsque le continent semblait profiter d’une accalmie, c’était sans compter sur la duplicité et les mensonges de Loki, qui se divertissait des conflits et du chaos dont il était à l’origine. Le Septième Dieu s’amusait à attiser les flammes de la rancœur par l’intermédiaire de ses prêtres, leur contant mille chimères pour nourrir leur haine des autres dieux et, à travers eux, des autres peuples.

Les guerres pour s’emparer des trésors célestes ne furent pas les seules conséquences de la venue des dieux sur le continent. Les rois et reines du Gwendir cherchèrent à percer le mystère de ces artéfacts afin d’égaler – si ce n’était dépasser – la puissance de leurs créateurs. Nombreux furent les mages et les érudits qui s’employèrent à étudier les propriétés des reliques divines, afin d’en améliorer les pouvoirs… En vain.

Après de nombreuses et infructueuses années de recherches, les Orthodoxes furent finalement les premiers à y parvenir. De Thor, ils avaient reçu Lómil-Gamir, l’Orbe d’invocation. Leur roi, Aldur, parvint à en percer le secret et à modifier ses pouvoirs. Il put ainsi invoquer par millier des guerriers faits de chair et de sang, sans conscience, ni états d’âme. Réduites en esclavage, ces machines de guerre furent utilisées par Aldur pour asservir les contrées limitrophes et ainsi étendre sa domination jusqu’aux limites de l’imaginable.

Le dieu du tonnerre, furieux que ses descendants aient transgressé ses commandements et cherché à le surpasser, descendit sur le Gwendir pour châtier Aldur. Mais aveuglé par sa colère, il se méprit et punit le frère jumeau du souverain. Horrifié par le sort qui l’attendait lorsque Thor réaliserait son erreur, Aldur quitta son royaume. Prétextant une quelconque affaire d’importance à régler avec son homologue, il s’exila chez les Druides et usa de son Orbe pour assassiner le roi. Il s’empara alors de Tandil, l’Amulette de métamorphose que Mani avait confectionnée pour ses enfants, abandonna Lómil-Gamir et se métamorphosa en faucon. Quittant son apparence humaine, il se déroba ainsi au regard de son dieu…

Les Druides, abusés par les Orthodoxes, leur déclarèrent la guerre. Ils payèrent grassement les Amazones pour qu’elles combattent pour eux, tandis que les Fils de Thor firent valoir d’anciens traités pour requérir l’aide des Ombres. Rapidement, ce fut l’entièreté du territoire qui s’embrasa dans un conflit d’une ampleur jusque-là inégalée.

Bien des années après le début de cette Grande Guerre, Thor, au fait de sa méprise, descendit une nouvelle fois sur le Gwendir. Il conjura les autres dieux de venir avec lui pour retrouver Aldur afin de restituer l’Amulette aux Druides et permettre au continent de retrouver son calme. Freya écouta le chant des vents, Jörd interrogea les arbres, Mani questionna les animaux, Baldr étudia les astres… De leur collaboration, ils obtinrent d’étonnants résultats. Ils localisèrent Aldur qui avait conservé sa forme de rapace et le piégèrent grâce à une ruse de Loki.  Thor put finalement exécuter son châtiment sur celui qui avait osé le défier. L’Amulette fut rendue aux Druides et la tranquillité revint sur le continent.

Les dieux se mirent d’accord sur un point : les artefacts qu’ils avaient conçus étaient bien trop puissants pour de simples mortels. Ils s’entendirent alors pour briser l’héritage qu’ils leur avaient légué et annihilèrent les pouvoirs de chaque objet. Loki rejeta d’abord cette destinée et refusa d’altérer les pouvoirs de son don aux Hommes, Söndra, la Pierre de vision. Puis, il se ravisa presque aussitôt. Freya soupçonna un mauvais tour de sa part et, sans en avertir les autres dieux, elle décida d’endormir simplement les pouvoirs de Glyrin. Au terme de leur discussion, les dieux se promirent de ne plus intervenir dans les affaires des mortels.

* * * *

La collaboration des sept dieux inspira les peuples, qui décidèrent eux aussi de mettre un terme à ces luttes intestines qui causaient ravages, souffrances et désolations. Ils établirent un Conseil dont la mission était de rassembler les sept représentants de chaque royaume. À l’issue de plusieurs réunions régulièrement organisées, ils devaient élire celui d’entre eux qu’ils considéraient comme le souverain le plus respectable et le plus digne de confiance afin qu’il devienne le Seigneur Nordique. Le porte-parole de tous les autres. En acceptant ce rôle, le souverain élu devenait le garant de la bonne entente entre les peuples et donc du maintien de la paix sur l’ensemble du continent. Durant plusieurs siècles, les relations entre les populations furent apaisées. Elles devinrent même amicales et de nouvelles alliances se nouèrent. L’Ordre des Sept Compagnons perdura et, tour à tour, les différents Seigneurs Nordiques se succédèrent, faisant régner l’ordre, la paix et la prospérité sur tout le territoire. Pendant près de sept cent ans, le continent nordique jouit d’une harmonie seulement troublée par quelques conflits localisés, liés à des différends territoriaux.

Mais le destin du Gwendir avait été prophétisé par les Nornes et scellé par les agissements des Dieux des siècles auparavant, de sorte que jamais la paix ne serait durable. Porté par les sournoiseries du dieu Loki, qui ne pouvait se satisfaire de voir la création d’Odinn prospérer, le mal frappa de nouveau les contrées nordiques. L’Ordre des Sept Compagnons fut brisé par le nouveau Seigneur Nordique, de la race des Hommes, et l’an 1035 du calendrier gwendirien vit l’avènement d’un nouveau règne, celui du chaos et de la terreur.

Pour la première fois depuis la création de son Monde, Odinn quitta son trône et décida qu’il était temps pour lui d’imposer sa Loi. Sa colère fut grande et les dieux en furent effrayés, excepté Loki qui se réjouissait d’avoir déclenché l’ire de celui qu’il s’était secrètement juré de tourmenter. Il était trop tard désormais pour arrêter le Dieu Souverain. Nul ne savait ce qu’il avait en tête, mais tous comprirent que le Gwendir allait connaître de grands bouleversements…  

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